Notre « épicerie du coin », propriété de Monsieur D.P. Gagnon et de son frère, était située à l’intersection sud-ouest du boulevard Rosemont et de la rue Louis-Hébert, à Montréal.

M. Gagnon ouvrait et fermait personnellement son magasin. Il était sur place 10 heures par jour, 6 jours par semaine plus le jeudi et le vendredi soirs et il était toujours de bonne humeur. Il connaissait le nom et les goûts de tous ses clients et clientes.
En blouse blanche à l’arrière de son étal de boucher, on le voyait débiter son quartier de viande sous nos yeux et préparer les coupes dont on avait besoin. Il nous devançait souvent et on l’entendait demander « Avez-vous besoin d’un os pour la soupe, aujourd’hui Mme X».
Le boulanger et le laitier passaient régulièrement pour remplacer les produits d’hier par ceux du jour. En plus des fruits et légumes aussi frais les uns que les autres, des poissons et des viandes de première qualité, on y trouvait de tout, côté nourriture pour nous ou notre animal.
En plus du p’tit voisin qui livrait les commandes à domiciles avec le triporteur et du p’tit livreur de journaux dont mon frère faisait partie, notre épicier du coin offrait aussi de l’emploi à d’autres jeunes que ce soit pour placer des produits sur les tablettes ou pour placer les bouteilles vides dans les caisses placées à cet effet. Combien d’enfants faisaient les vidanges du quartier pour ramasser des bouteilles de liqueur ou de bière vides qu’ils refilaient ensuite à cette épicerie?
M. Gagnon savait faire crédit à ceux et celles qui ne pouvaient payer tout de suite et on le réglait soit à la semaine ou au mois selon nos capacités. On avait vraiment un service souriant et personnalisé.
Après l’arrivée de la chaîne d’alimentation IGA dans notre quartier au début des années 1960, M. Gagnon a réalisé qu’il ne pouvait plus rivaliser et a été obligé de fermer ses portes.
Après la fermeture de « notre épicerie », on se rendait au « marché Dominion » de la rue Beaubien et pour se faire des sous, mon frère entrait pour offrir notre voiturette aux clients. Avec entrain, on partait ensuite livrer les commandes à domicile à la satisfaction de tous.
Les grandes chaînes d’alimentation ont peut-être beaucoup plus à offrir aujourd’hui mais on regrettera toujours « notre épicier du coin ».
Lise Jolin